Un séminaire à Miami: le renouveau

Miami a longtemps été une destination où l’argent et les gens ne faisaient que passer, le temps d’embarquer pour une croisière à bord d’un grand paquebot. Mais cette époque est désormais révolue : la ville a développé de nombreux atouts pour inciter ses visiteurs à rester quelques jours, une semaine… voire le reste de sa vie. On vous présente aujourd’hui son plus bel atout : Miami Beach.

Il y a peu de temps, Miami Beach était le lieu « où les néons allaient pour mourir », pour reprendre l’expression de Lenny Bruce. L’apogée de Sinatra et Monroe en 1950 a été remplacée par l’époque des vols bon marché vers les Caraïbes et la conversion de quelques pâturages d’Orlando en un lieu appelé Walt Disney World. Les touristes ont disparu de Miami, le développement de la ville s’est arrêté, et la situation a rapidement empiré. « Miami » est devenue synonyme de « Vice ». L’émission télévisée emblématique aux couchers de soleil brumeux, aux flics corrompus et au trafic de drogue dope se basait sur une vérité brute. Le Miami d’origine a été mangé de l’intérieur au début des années 1980 en devenant la porte d’entrée idéale pour les consommateurs sud-américains. Le seul glamour qui restait à la ville en 1989 était un quartier Art Déco et la fameuse pointe sud de Miami Beach.
Mais la ville a su renaître et se rénover complètement, et elle est désormais plus séduisante que jamais. Les bâtiments sur South of Fifth Street offrent les meilleures vues sur la ville. Les grues se découpent dans le ciel un peu partout et de nouveaux restaurants semblent ouvrir chaque semaine. Historiquement une ville en plein essor, Miami avait l’habitude de s’allonger et de faire le mort après un accident. Mais en 2008, il réagit à la crise financière en se récompensant avec : de nouveaux musées, un stade, l’espace New World Symphony (conçu par Frank Gehry) et d’innombrables tours de bureaux, Art Basel Miami Beach. Les bâtiments de Miami Beach sont peu à peu transformés eux-mêmes en œuvres d’art. Les noms attachés à la nouvelle skyline témoignent de l’ambition qui l’accompagne : Rem Koolhaas, Norman Foster, Zaha Hadid, Richard Meier et Herzog & de Meuron (lauréats du Prix d’architecture Pritzker) y réalisent tous des projets.

L’homme avec le plus d’ambition de tous est sans doute Alan Faena. Alors que d’autres construisent des hôtels ou des appartements, le promoteur argentin crée un quartier entier : le quartier de Faena. Si celui-ci a bien un hôtel (le Faena Hotel Miami Beach) , ce n’est que l’une des nombreuses constructions architecturales dans son rayon de six pâtés de maisons. Pour donner une idée de l’ampleur du projet : c’est comme si Soho House ouvrait à Londres…
Ce n’est pas la première fois que Faena travaille à une telle alchimie urbaine. Dans son quartier natal de Buenos Aires, il a acheté un morceau négligé de Puerto Madero et l’a transformé en l’un des quartiers les plus brillants de la ville, avec un hôtel conçu par Philippe Starck et un centre artistique basé dans un ancien moulin.
Ses plans pour Miami sont cependant encore plus grandioses. L’homme considère son quartier comme « un lieu unique, un lieu utopique où les meilleurs esprits du monde ont la liberté de réfléchir ». Sa version d’Utopia se situe de chaque côté de Collins Avenue, entre la 32e et la 35e rue de Mid-Beach, l’une en direction de l’océan Atlantique, l’autre se déversant dans les eaux d’Indian Creek. Le front de mer est le domaine de Norman Foster avec Faena House, une tour résidentielle avec des terrasses enveloppantes et un penthouse de 35 millions d’euros. A quelques pas de là se trouve l’étonnant centre d’arts Faena Forum de Rem Koolhaas. De l’extérieur, c’est un tambour blanc éblouissant et un cube percé de hautes fenêtres. A l’intérieur, c’est une version flexible du Panthéon, capable de déplacer ses murs pour accueillir des expositions, des concerts et même des débats politiques.
Mais c’est au Faena Miami Beach Hotel que Faena s’est associé à ses collaborateurs les plus surprenants : Baz Luhrrnann et Catherine Martin. Le réalisateur de Great Gatsby et sa femme créatrice de mode ont transformé l’ancien hôtel Saxe en un fantastique cinéma de 169 pièces. La propriété possède même son propre théâtre Art Déco, qui ne manquera pas d’attirer les meilleurs artistes. Un des restaurants est supervisé par Francis Mallmann. Formé à la française, le chef argentin est revenu à ses racines et s’est construit un nom en cuisinant la meilleure viande dans un pays obsédé par le steak. Et de l’autre côté de la rue se trouve le deuxième hôtel du quartier, le très funky Casa Claridge’s, avec ses orchidées roses, sa cour verdoyante et ses installations artistiques époustouflantes.

Faena n’est pas seul à soutenir Miami Beach. Ian Schrager, le plus New Yorkais des New Yorkais, pense même que la ville vit un « changement de paradigme ». Le fameux hôtelier le sait d’expérience : il a vu la renaissance de la ville avant tout le monde. En 1992, Schrager a en effet réalisé un petit pari qui s’est avéré payant, en lançant le Delano, qui à son tour a été massivement imité. Boutique, design, élégant et décontracté, c’était le premier nouvel hôtel à ouvrir à Miami Beach en près de 40 ans. Il a donné au beau monde un endroit pour se reposer pendant la journée et se préparer aux longues nuits dans les clubs de Miami. Grâce à Schrager, le hall est passé d’un espace pour ranger ses bagages à l’endroit où se déroulent les cocktails et les réceptions. Deux décennies plus tard, Schrager est de retour à Miami Beach avec un autre hôtel et sa Miami Beach Edition est la métaphore parfaite du récent développement de la ville. Il est reconstruit plutôt que construit, assis à l’intérieur du squelette de Séville, l’un des hôtels géants des années 1950 à une époque où les dames en étoles de fourrure mettaient leurs enfants au lit avant de partir écouter le crooner Dean Martin. Des allusions au passé y subsistent d’ailleurs (tel l’élégant bar rouge Matador), ainsi qu’un lien avec l’héritage de la ville (la musique est composée par le DJ Jauretsi de Miamibom, qui a sauvé des disques du restaurant cubain de ses parents pour créer un paysage sonore qui n’est jamais loin de La Havane). Du bar, l’on profite d’une vue imprenable sur l’océan. Les hôtels de Miami Beach sont souvent aussi animés après minuit qu’avant. Après que l’horloge ait sonné les douze coups, il est ainsi possible de descendre au sous-sol pour profiter de la patinoire, de la piste de bowling et de la discothèque. Le néon et le bois fusionnent parfaitement et chaque détail, jusqu’aux boules de quilles peintes avec des nus commandés par des artistes de New York et de Los Angeles, est magnifiquement pensé.
La plage n’est pas en reste : près d’un million de dollars de roches ont été expédiées pour former un petit brise-lames afin que les clients puissent encore nager par une chaude journée.

Un peu plus au sud se trouve le Metropolitan par COMO. Si la plupart des hôtels de Miami Beach sont animés, celui-ci est une véritable oasis de fraîcheur. Vous ne trouverez aucun DJ au bord de la piscine, et même pendant l’Ultra Music Festival de Miami en mars, vous y verrez beaucoup de tumbleurs profitant de la tranquillité et du service impeccable. Le sentiment de sérénité est encore accru par la piscine relaxante sur le toit. Les chambres ont elles aussi une ambiance décontractée mêlant murs vert menthe, sols monochromes et miroirs givrés.
Les gens ont tendance à penser à Miami Beach et Miami comme une seule et même chose, mais en fait, ce sont deux villes différentes, séparées par quatre ponts. Miami Beach a été créée il y a 100 ans. Ayant échoué en tant que plantation de noix de coco et d’avocat, ce banc de sable magnifique est rapidement devenu une destination de vacances avec une série de petits hôtels. En dix ans, la ville en pleine croissance a reçu sa première visite présidentielle : Warren Harding y passa en effet en vacances en 1921. Pour l’accompagner dans son tour de golf, on lui donna pour caddie un éléphant de trois tonnes appelé Rosie. Le genre d’extravagance propre à Miami Beach…